L’ADEB est heureuse d’annoncer la parution de l’ouvrage suivant:

G. Forlot & L. Ouvrard (dir.) Variation linguistique et enseignement des langues. Le cas des langues moins enseignées.

Paris : Presses de l’Inalco. 2020.

L’ouvrage porte sur la façon dont les didacticien.ne.s et les enseignant.e.s de langues se sont (ou non) approprié les problématiques de la variation dans l’enseignement de langues que l’on appelle parfois, dans une terminologie un peu fluctuante et pas toujours satisfaisante, « petites langues », « langues moins didactisées », langues moins diffusées », « langues modimes », « langues rares » (dans certains systèmes éducatifs s’entend), et, bien sûr, « langues minoritaires/minorées »,  etc.

Les contributions portent ici (par ordre alphabétique et au singulier pour faciliter la lecture) sur : l’alsacien, l’amazighe, l’arabe, le basque, le chinois, le corse, le ghomala’, l’indonésien, le japonais, le malgache, l’occitan, le picard, le tchèque, le (parler) saint-martinois.

En guise d’apéritif (ou de cadeau de Noël, c’est selon), vous voici ci-dessous trois incipit : le premier de l’introduction par Gilles Forlot et Louise Ouvrard, les co-directeurs de l’ouvrage; le deuxième de l’article liminaire de Pierre Escudé et le troisième de la postface par Pascal Ottavi. Vous pourrez également avoir accès à l’intégralité de ces trois textes en cliquant sur les titres.

LA VARIATION DANS LES LANGUES MOINS ENSEIGNÉES : DES QUESTIONNEMENTS SOCIOLINGUISTIQUES AUX PROBLÉMATIQUES DIDACTIQUES

Gilles Forlot
UMR 8202 SEDYL/Inalco

Louise Ouvrard
EA 4514 PLIDAM/Inalco

Régulièrement, le monde francophone est aux prises avec des débats houleux et enflammés sur diverses questions linguistiques. Ces débats portent, ici et là, sur la pénétration de l’anglais dans la société et en particulier dans les milieux éducatifs, sur la place des langues régionales, sur ce que le sens commun appelle la langue des jeunes ou celle des banlieues, ou encore sur un supposé déclin de la qualité de la langue.
Au moment où nous rédigeons l’introduction de cet ouvrage, un nouveau débat linguistique fait surface en France, celui de la grammaire et de la norme orthographique, de leur défense et de leur enseignement. L’année scolaire 2017‑2018 est marquée par plusieurs déclarations symptomatiques. Le nouveau ministre de l’Éducation nationale, M. Jean‑Michel Blanquer, lance le 15 novembre 2017 le tweet suivant :

Il n’y a qu’une langue française, une seule grammaire, une seule
République. (@jmblanquer, 15/11/2017)

[...]

LES LANGUES DANS LEURS VARIATIONS ET LEURS DIVERSITÉS : MODALITÉS ET ENJEUX D’UNE DIDACTIQUE NOUVELLE

Pierre Escudé
EA 4140 LACES/Université de Bordeaux/INSPE d’Aquitaine

« Partons donc de cet aveu d’impénétrabilité.
Ne nous flattons pas d’assimiler les mœurs, les
races, les nations, les autres, mais au contraire
réjouissons‑nous de ne le pouvoir jamais : nous
réservant ainsi la perdurabilité du plaisir de sentir le Divers. »

Victor Segalen, Essai sur l’exotisme.

Pourquoi et en quoi certaines langues relèvent‑elles d’une didactique spécifique ? En quoi cette spécificité est‑elle un atout pour l’apprentissage global des langues ? Cette interrogation est née d’une réflexion sollicitée par Daniel Coste auprès de Johanna Panthier, alors responsable de l’Unité des politiques linguistiques au Conseil de l’Europe, sur la spécificité d’une didactique des langues vivantes régionales. Une courte épistémologie des textes institutionnels français montre quelles ont été leur représentation et leur visibilité dans le système éducatif français jusqu’aux programmes de 2016 (BO du 26 novembre 2015) qui stabilisent leur présence et leur assiette. Cette histoire des représentations semble peser encore sur les représentations de l’Institution jusqu’aux parents d’élèves, et évidemment jusqu’aux apprenants eux‑mêmes. Les langues vivantes régionales (LVR) portent une charge sociolinguistique forte et la font résonner dans les établissements où elles sont enseignées. Second élément de distinction, le rapport norme‑variante qu’elles impliquent quasiment toujours. Troisième élément enfin, celui de leur proximité – la langue est régionale – qui est aussitôt celui d’une altérité par rapport au contrat d’unicité qui est la norme de la représentation française d’une République « une et indivisible ». Ces trois éléments servent à marquer et démarquer la présence, l’enseignement et l’apprentissage des LVR. [...]

 EN GUISE DE POSTFACE : A COPPIA ÙN VÀ PIÙ BÈ MANCU À I BOI ?

Pascal Ottavi
UMR 6240 LISA/Università di Corsica-Pasquale Paoli

Gilles Forlot et Louise Ouvrard, co‑directeurs de publication du présent ouvrage, m’ont fait l’honneur de me solliciter pour la rédaction d’une postface. Il me revient, bien entendu, de les en remercier chaleureusement. Le cahier des charges qu’ils m’ont proposé consistait à porter un double regard, en même temps croisé et transverse, celui du sociolinguiste et celui du praticien (d’abord enseignant puis formateur de formateurs), sur l’ensemble des contributions ici proposées.
Ma première réflexion consistera donc à revenir sur le but initial de cet ouvrage : « L’objectif central est ici de problématiser la question de la variation linguistique dans l’enseignement-apprentissage des langues à faible diffusion dans divers systèmes éducatifs et/ou sous différentes formes pédagogiques » (Forlot & Ouvrard, dans ce volume). Pari réussi mais aussi dépassé, pourrais‑je dire, car la teneur du propos et la bonne tenue d’ensemble des contributions va bien au‑delà de l’interpellation du théoricien, du didacticien et de l’enseignant sur les « langues modimes » proprement dites, au demeurant langues modestes, par leur statut et par leur représentativité quantitative ou bien encore par la rareté de leur offre d’enseignement/apprentissage. [...]

 

Sommaire, présentation et auteurs