La circulaire 2017-072 signe l’ensemble des avancées du quinquennat 2012-2017 en faveur des langues vivantes régionales (LVR) : affermissement de la politique linguistique en faveur des LVR ; équité relevée entre LVE (langues vivantes étrangères) et LVR ; promotion du bilinguisme français-LVR au vu de son « intérêt éducatif » ; précision sur les dispositifs et objectifs langagiers du bilinguisme français-LVR ; création d’une agrégation de LVR.
Cette Circulaire inscrit dans la continuité républicaine la « volonté institutionnelle d’œuvrer pour la préservation et la valorisation des langues régionales », à la suite de l’article 75 de la Constitution (loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008) et de l’article 40 de la loi n° 2013-595 du 8 juillet 2013. Il est donc fermement rappelé que « les langues et cultures régionales appartenant au patrimoine de la France, leur enseignement est favorisé prioritairement dans les régions où elles sont en usage » et que « cet enseignement peut être dispensé tout au long de la scolarité » de deux manières : un enseignement de la langue et de la culture régionales et un enseignement bilingue en langue française et en langue régionale.
Pour l’une des rares occasions de parler d’expérimentation, il est pointé mais hélas sans plus de précisions, que « les bilans et évaluations réalisés dans les différentes régions concernées ont confirmé l’intérêt éducatif d’un bilinguisme français-langue régionale ; c’est pourquoi les ouvertures de classes bilingues à l’école ont été développées et les sections existantes en collège et lycée ont été consolidées et étendues. » La Circulaire précise les deux modalités d’enseignement (1 Maître / 1 Langue ou 1 Maître / 2 Langues) ainsi que les niveaux de langue visés en section bilingue : « niveau A2 et au-delà à la fin du cycle 3 ; niveau B1 dans toutes les activités langagières et B2 dans plusieurs d’entre elles en fin de cycle 4 ; niveau B2 dans toutes les activités langagières et C1 dans plusieurs d’entre elles à la fin du lycée ».
La liste des LVR est rappelée : basque, breton, catalan, corse, créole, gallo, occitan-langue d’oc, langues régionales d’Alsace, langues régionales des pays mosellans, tahitien, langues mélanésiennes (drehu, nengone, païci, aïje), wallisien et futunien. On remarque que si la liste des 4 langues initialement reconnues par la Loi Deixonne de 1951 (qui reste à ce jour la seule et unique Loi ayant traité des LVR) est notablement rallongée, la République reconnaissant ainsi la diversité de son patrimoine linguistique, une sorte de flou entoure cette liste. La nouvelle circulaire reprend l’ordre de la Circulaire 2001-166 (dite de Gaudemar, du nom de l’ancien DGESCO du gouvernement Lang-Jospin, actuellement Recteur de l’AUF) et y rajoute wallisien et futunien. Mais on remarque deux choses : l’oubli des « langues amérindiennes » (langues de la Guyane), qui apparaissaient dans l’intéressante brochure de janvier 2014 : Apprendre et enseigner les langues et cultures régionales dans l’École de la République. Enfin, la « langue corse » qui bénéficie dans la législation et dans les concours d’enseignement d’un statut spécial depuis les lois de 1999-2000 redevient « corse » – comme en 2014 du reste.
On remarquera enfin la même étonnante discrétion de communication ministérielle, comme s’il ne fallait pas trop dire que la politique linguistique nationale pouvait évoluer – et de fait avait évolué depuis la Loi de juillet 2013… On se rappelle de la promesse du candidat de 2012 pour le vote français de la Charte européenne des langues régionales et minoritaires finalement votée à la Chambre des députés à partir du moment où le Sénat avait changé de majorité et ne pouvait donc que la retoquer… ainsi que le débat sur la Loi nationale en faveur des langues vivantes régionales, débat qui s’est très légèrement emballé fin décembre 2016, à partir du moment où la Loi ne pouvait plus aller au bout de son processus par manque de temps. Cette Circulaire au contenu si favorable est publiée dans les dernières semaines du quinquennat, davantage comme un bilan que comme une feuille de route ouvrant des horizons décomplexés de développement.
Si le bilinguisme est effectivement porteur de développement cognitifs, langagiers, métalangagiers, s’il permet le développement d’un apprentissage transdisciplinaire que les Nouveaux programmes de 2016 encadrent désormais (« Discipline dite Non Linguistique », et de nombreuses références au « transfert », à la « comparaison » entre langues…), il est grand temps de s’appuyer sur cette réalité désormais institutionnelle pour développer enfin, concrètement, notre plurilinguisme national !
Pierre Escudé