Tel est le titre d’un article de Magaly Ghesquière et Laurence Meurant paru dans le numéro 27 (janvier 2016) de l’excellente revue en linge Glottopol (numéro coordonné par Richard Sabria et intitulé Langues des signes, langues minoritaires et sociétés).Les auteures présentent les résultats d’une pratique linguistique et pédagogique inaugurée en 2000 à Namur.
Une école ordinaire accueille des élèves sourds et malentendants au sein de classes bilingues, selon le principe de l’inclusion scolaire. Ce dispositif de co-enrollment réunit dans un cursus scolaire partagé des élèves sourds, malentendants, entendants. Langues parlée et signée sont utilisées par une équipe pédagogique mixte composée d’un enseignant ordinaire et d’un enseignant spécialisé.
Dans une première partie, les auteures rappellent le contexte socio-historique, politique ayant présidé à l’émergence des classes bilingues selon un modèle unique dans la Fédération Wallonie-Bruxelles de Belgique. Ensuite, Magaly Ghesquière et Laurence Meurant explicitent les principes fondamentaux du type de bilinguisme pratiqué et de la pédagogie bilingue mise en pratique. Elles actualisent la notion de « translangage », empruntée à Swanwick (2015) pour caractériser l’alternance constante entre les langues (le français – la LSFB [ 5]), articulée aux enseignements. Pour les auteures, l’alternance des langues n’est pas à confondre avec des pratiques appelées « bimodales », « multimodales » ou de « communication totale » utilisées fréquemment entre des adultes entendants et des enfants sourds, et qui consistent à ponctuer la langue orale de quelques signes empruntés à la langue signée et/ou de quelques clés empruntées à un système d’aide à la lecture labiale. Ces pratiques sont des moyens de communication utilisant de manière simultanée des outils et des composantes de langues différentes. Elles ont pour but unique de soutenir la compréhension et l’expression de la langue orale auprès de l’enfant sourd.
En dernière partie, afin d’illustrer l’existence d’une triple relation entre les deux langues, à statut égal, et les matières scolaires, des séquences d’apprentissage de mathématiques illustrent le propos. L’intitulé de l’article, dans une métaphore filée, compare la pédagogie bilingue, décrite dans la contribution, à un ouvrage de broderie dont la partie extérieure, visible affiche la netteté et la simplicité des motifs mais dont le verso n’est que complexité et enchevêtrement de liens tissés entre langues, savoirs et compétences.